Procès des viols de Mazan – quelles leçons pour les chrétiens ?
Durant près de 10 ans, Gisèle Pélicot a été victime de nombreux viols de la part de plus de 70 hommes, dont 51 ont été identifiés. Leur procès, qui se tient actuellement, est bien particulier : tout d’abord par le nombre d’accusés, mais aussi du fait de l’état de sédation de la victime et de sa totale ignorance de ce qu’elle subissait.
Alors que la presse relate au fur et à mesure ce procès hors norme, laissons-nous interpeller en tant que chrétiens : comment réagir face à cette malheureuse histoire ? Quelles sont les leçons à en tirer pour nos Églises protestantes évangéliques ?
La culture du silence
Gisèle Pélicot a courageusement refusé le huis-clos « pour que la honte change de camp » (1). En demandant un procès public, cette femme nous interpelle sur la question du silence. Il est important de rappeler que quand un viol se produit, la victime n’est jamais coupable. Quoi que fasse la victime, quel que soit son habillement, quel que soit le lieu où elle se trouve ou les liens relationnels : rien ne donne le droit de disposer du corps d’autrui. Mais un faux sentiment de culpabilité anime généralement les victimes de viols qui amène bien souvent les victimes à se taire, à garder le silence.
Les réactions des chrétiens face à un témoignage d’abus sont parfois du même acabit que ce que l’on peut entendre de la part des agresseurs de Gisèle Pélicot : on plaide les circonstances, le lien conjugal ou l’attitude passive de la victime pour minimiser les faits, et inconsciemment entretenir une culture du silence.
Accueillir la parole de la victime
Face à ce manque d’empathie, prenons exemple sur l’amour de Jésus-Christ, son attention envers les plus vulnérables, et son enseignement central : Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Marc 12.31). Nous devons avoir de l’amour et de la compassion envers toute victime, dans une attitude d’humilité, de recherche de vérité, et de protection. Les chrétiens doivent être actifs dans la libération de la parole, l’écoute, et la compassion envers toute victime d’abus sexuel. Même la présomption d'innocence, si elle empêche de déclarer quelqu’un coupable, ne nous dispense jamais de prendre en compte la parole d’une personne victime et de mettre en place les conditions pour la protéger et empêcher une récidive, dans les limites prévues par la loi (article 223-6 du code de procédure pénale).
C’est dans ce sens que les membres du CNEF ont créé le service d’écoute Stop abus, qui permet à toute victime ou témoin de violences sexuelles d’être accueillie et de bénéficier d’un accompagnement bienveillant (2). C’est aussi dans ce sens que nous proposons aux responsables d’Église d’être mieux formés à la reconnaissance et à l’écoute des victimes d’abus (3).
Systématiser le consentement
En droit français, jusqu’à présent, les faits de viols ou d’agression sexuelle ne sont pas basés sur la notion de consentement. C’est à la victime, ou à l’enquête, de prouver qu’il y a eu violence, contrainte, menace ou surprise. Et peu de victimes portent plainte en raison des difficultés liées à la preuve. Mais ce procès des viols de Mazan pourrait bien aller dans le sens d’une évolution législative autour du consentement. Cela reviendrait à faire passer la charge de la preuve sur l’accusé, qui devrait alors prouver qu’il a obtenu le consentement de sa partenaire. Car le silence ne vaut pas acceptation en terme de sexualité (qu'il s'agisse d'un viol, d'une agression, d'un attouchement, de l'utilisation d'une image à caractère sexuel).
Au regard du respect de la dignité humaine qui nous anime, de l’amour que nous avons pour tous, cette notion de consentement devrait être primordiale pour les chrétiens. Elle doit trouver sa place dans les enseignements de nos Églises protestantes évangéliques !
Rien dans la Bible ne justifie une sexualité imposée par l’homme à la femme, y compris au sein d’un couple chrétien marié. Le consentement doit être au cœur de la relation sexuelle : la sexualité est un partage consenti, une harmonie souhaitée par Dieu, malheureusement parfois entachée par une nature humaine orgueilleuse et mauvaise.
Le péché abonde
Les récits des accusés du procès de Mazan nous interrogent sur ce qui a pu pousser tant d’hommes à assouvir leurs pulsions sur une femme inerte. Malgré la diversité des profils, et la “normalité” des arrières-plans personnels, aucun n’a eu à l’esprit que cette femme n’était non seulement pas consentente, mais en danger. Et nous, savons-nous reconnaître quand quelqu’un est en danger ? Et faisons-nous ce qui est en notre pouvoir pour le secourir ?
En tant que chrétiens, nous reconnaissons la réalité du péché dans ce monde mais aussi en chacun de nous. Devant l’ampleur de notre faiblesse, ainsi que les tactiques de Satan, nous ré-affirmons que nous avons tous besoin de repentance, de prière et de sanctification. Nous voulons vivre l’amour, la sainteté, et la justice qui caractérisent le message de la Bible et l’exemple de Jésus-Christ, sans prétendre être irréprochables mais en reconnaissant nos fautes et en nous relevant pour aller de l’avant à chaque fois qu’il nous arrive de tomber.
Soyons vigilants
Ce procès des viols de Gisèle Pélicot nous interpelle en tant qu’Églises. Sommes-nous capables de prendre soin des plus vulnérables, de ceux qui sont en situation de fragilité dans l’Église et autour de nous, comme l’Évangile ne cesse de nous inviter à le faire ? Ces personnes qui sont le plus exposées au risque d’abus sont les vulnérables, les « petits » de l’Évangile, ceux dont parlait Jésus :
Si quelqu’un était une occasion de chute pour un de ces petits qui croient en moi, il serait avantageux pour lui qu’on suspende à son cou une meule de moulin et qu’on le noie au fond de la mer. Car il est inévitable qu’il se produise des occasions de chute, mais malheur à l’homme par qui elles se produisent ! (Matthieu 18.6-7).
Dans notre entourage aussi, des personnes sont peut-être en danger. Il est de notre responsabilité personnelle et collective de les protéger. Nous qui adorons un Dieu qui est le défenseur des plus faibles, nous voulons particulièrement lutter contre les abus, qu’ils soient sexuels, physiques, psychologiques ou autres. Nous nous engageons à protéger tous ceux qui subiraient des pratiques abusives (4), en réponse au triste témoignage de Gisèle Pélicot.
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(1) Procès des viols de Mazan : "la honte doit changer de camp", France Bleu
(2) Service d’écoute Stop abus
(3) Formation à venir le 18 (webinaire) et le 30 novembre (Bordeaux) : informations
(4) Bonne pratiques pour lutter contre les abus sexuels, télécharger
Les actions de prévention et de sensibilisation de Stop abus ont besoin de vos dons ! Faire un don.
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