L’éducation sexuelle chez les jeunes évangéliques en France
Entre attentes, disparités et complémentarités.
Cette étude a fait l’objet d’une publication dans la revue scientifique The Journal of Sexual Medicine (Volume 22, Supplément 2, mai 2025, article qdaf077.197), sous le titre : “IMPACT, NEEDS, AND GENDER DISPARITIES AMONG YOUNG EVANGELICAL ADULTS IN FRANCE”, par Brice Gouvernet et André Letzel.
Dans les milieux évangéliques français, la sexualité est souvent abordée à travers un cadre moral, spirituel et relationnel. Pourtant, les jeunes adultes issus de ces communautés ne sont pas exempts des questionnements contemporains en matière d’éducation sexuelle. Cette enquête inédite, menée auprès de 728 participants âgés de 18 à 30 ans, explore leur expérience de l’éducation à la sexualité, qu’elle soit dispensée à l’école, dans leur église, ou les deux, ainsi que les besoins éducatifs qu’ils identifient.
Les résultats révèlent une diversité de parcours éducatifs : 71 % des participants ont bénéficié d’une éducation sexuelle en milieu scolaire, contre 36 % en église. Moins d’un tiers (29,8 %, n = 217) ont reçu une éducation sexuelle dans les deux contextes, tandis que 22,1 % n’en ont jamais reçu, ni à l’école ni en communauté.
L’analyse des contenus abordés révèle une forte polarisation. À l’école, les séances privilégient les aspects biologiques (94 %), la contraception (94 %) et la prévention des IST (95 %). Ces thèmes, liés à la santé publique, sont largement absents des interventions dans les églises, où moins d’un tiers des participants déclarent les avoir abordés.
Inversement, les enseignements en dans le cadre des églises mettent l’accent sur des sujets comme la masturbation (88 %), les valeurs morales et théologiques (92 %) ou encore l’usage d’internet (85 %) — des thèmes presque inexistants dans le cadre scolaire. Cette opposition reflète deux visions de la sexualité : l’une médicale et préventive, l’autre morale et relationnelle.
Malgré ces apports, les besoins éducatifs demeurent élevés. Même parmi ceux ayant bénéficié de séances dans leur église, plus de 75 % souhaitent que soient davantage abordés des sujets tels que les dysfonctions sexuelles (82 %), la prévention des violences sexuelles (78 %), le plaisir sexuel (76 %) ou encore la communication dans le couple (76 %). Chez ceux n’ayant reçu aucune éducation sexuelle en église, cette demande est encore plus marquée.
Par exemple, ils sont 84 % à souhaiter parler d’estime de soi, contre 64 % parmi ceux ayant déjà été formés, soit une différence significative. L’étude met aussi en lumière de fortes disparités entre hommes et femmes. Pour 15 des 20 thématiques analysées, les femmes expriment davantage de besoins. Elles sont 90 % à réclamer un approfondissement sur les violences sexuelles, contre 74 % des hommes, et 86 % à vouloir aborder les dysfonctions sexuelles (contre 74 % des hommes). De même, elles sont bien plus nombreuses à souhaiter discuter de plaisir sexuel (86 % vs 72 %) et de communication (88 % vs 74 %).
Ces écarts peuvent s’interpréter à plusieurs niveaux : une plus grande conscience des risques chez les femmes, des expériences éducatives plus favorables à l’expression personnelle, ou encore des injonctions genrées qui limitent la parole masculine sur ces sujets. Ce décalage ne traduit pas une absence de besoins chez les hommes, mais plutôt une moindre reconnaissance ou verbalisation de ceux-ci. Enfin, un résultat marquant : les jeunes ayant reçu une éducation sexuelle en milieu évangélique sont moins nombreux à avoir des rapports sexuels que les autres. Cela suggère que les messages transmis dans ce cadre ont un effet normatif important sur les comportements. Néanmoins, cet effet ne suffit pas à combler les besoins éducatifs exprimés : les jeunes évangéliques réclament un accompagnement plus large, intégrant connaissances scientifiques, outils relationnels, réflexion morale et écoute bienveillante.
Cette étude plaide pour une approche complémentaire de l’éducation à la sexualité, où l’école et les communautés évangéliques ne seraient pas en opposition mais en dialogue. Elle invite à former les éducateurs issus de ces communautés, à inclure les jeunes dans la conception des programmes, et à favoriser des espaces de parole où la foi n’est pas un frein mais un levier pour parler vrai. Le défi est grand, mais la demande est là : des jeunes croyants, soucieux de conjuguer spiritualité, respect de soi et maturité affective.
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