Comment accompagner des personnes victimes
de violences sexuelles ?
André Letzel, sexologue, membre de la Commission de conseil et de suivi du service Stop abus
Ces derniers mois ont été marqués par des faits divers empreints de violence et de dégoût. Le procès de Mazan, les agressions sexuelles commises par l’Abbé Pierre sont des exemples parmi tant d'autres.
Dans le silence de mes cabinets, j’entends chaque semaine des récits de violences, d’agressions et de viols. Certains pourraient penser que cela n'arrive que "dans le monde", mais pas dans nos Églises. Or, la réalité est tout autre. Je suis souvent témoin de récits difficiles à entendre. Un certain déni semble persister face à ce qui ne devrait pas exister dans une Église.
Dans un but de prévention et de compréhension, je souhaite aborder quatre aspects souvent éclipsés dans l'enseignement de la sexualité au sein de nos Églises.
1. L’importance du consentement
Dans bon nombre de mes interventions scolaires, je rencontre des adolescents qui croient que "si une fille ne dit pas non, c'est qu'elle est d'accord". Cette vision erronée, profondément enracinée dans notre culture, reflète un manque de respect pour la parole de l'autre. Le consentement est un choix, une expression explicite de l'accord ou du désaccord. J'ai été bouleversé par le récit de Magali, qui, lors de sa nuit de noces, a dit NON à son mari, mais s’est vu imposer un rapport sexuel malgré tout. Ce genre de témoignage montre que le consentement ne peut être implicite ou pris pour acquis. Il doit être enseigné au même titre que la sexualité, car respecter l'autre, c'est respecter son humanité.
2. La notion de victime
Toutes les victimes que j’accompagne sont accablées par un poids immense de culpabilité et de honte. Elles sont souvent dans un état de "sidération psychique" ou de dissociation traumatique, des mécanismes de protection neurobiologiques qui les empêchent de réagir au moment de l’agression. L'une d'elles m’a dit : “J’ai subi des viols et cinq avortements, mais pendant longtemps, j’ai cru que c’était de ma faute.” Reconnaître une personne comme victime est une première étape cruciale vers sa reconstruction.
3. Mettre fin à la culture du silence
La culture du silence dans nos Églises peut aggraver le traumatisme des victimes, empêchant leur résilience, cette capacité à rebondir. Protéger un agresseur parce qu'il est un « frère » en Christ est une erreur. Dénoncer un viol qui est un crime est difficile, mais essentiel pour la justice et la réparation. Encourager les victimes à porter plainte peut les aider à se sentir à nouveau actrices de leur vie et à re-poser leurs limites. Comme un des slogans mis en perspective par la CIIVISE : Je te crois, je te protège.
4. Orienter vers des professionnels spécialisés
Les victimes de violences sexuelles ont besoin d’une prise en charge pluridisciplinaire. Tout dépend des conséquences réelles dans leur quotidien. Elles pourraient avoir besoin d’un suivi par un psychiatre et/ou un psychologue, ou encore un sexologue. Plusieurs approches de prise en charge existent aujourd’hui. Il est important d’orienter afin d'être accompagnées au mieux selon les besoins spécifiques à cette phase de vulnérabilité.
Références :
La sidération psychique.
Le consentement.
René Girard, La Violence et le sacré, Paris, Grasset, 1972 ; Guy Rosolato, Le Sacrifice : repères psychanalytiques, Paris, PUF, 1987.
Michela Marzano, Qu'est-ce qu'une victime ? De la réification au pardon, Archives de politique criminelle, vol. 28, no 1, 2006, pp. 11-20.
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